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Humanisation de la maison de retraite de Monestiés dans le Tarn

Le Syndicat intercommunal à vocations multiples (SIVOM) du canton de Monestiés, un village du Tarn, à un jet de pierre de Cordes-sur-Ciel près d’Albi, a-t-il décidé de rompre enfin avec «le jargon illusionniste de la com» auquel l’administration doit en partie « sa langue si chargée » ?

Les travaux dans une grande bâtisse au milieu du village sont ainsi expliqués sans détour au public : « Humanisation de la maison de retraite... »

On est tellement gavé aujourd’hui d’euphémismes, de litotes ou de périphrases qui atténuent la brutalité de la réalité qu’on se prend en pleine figure l’expression crue « humanisation de la maison de retraite », sans savoir s’il faut en rire ou s’il faut en pleurer.

Le leurre de l’euphémisme pour reconfigurer la réalité

Quelle administration, en effet, quelle institution, quel pouvoir ne polit pas la réalité à sa convenance pour en offrir la représentation sinon la plus favorable du moins la moins défavorable ? « Les frappes chirurgicales » des armées restent l’exemple emblématique de ce type de leurre : l’activité de destruction qui est la fonction naturelle d’une armée est présentée comme strictement contenue par une minutie et une adresse de chirurgien, pour ne pas heurter les plus délicats, quand bien même les bombes, moins maniables et plus émoussées forcément qu’un scalpel, ratent leurs cibles très souvent et frappent des civils alentour. Mais, même dans ce cas, « le jargon illusionniste de la com » n’est pas pris au dépourvu : il parle alors de « dommages collatéraux  » pour masquer le massacre malheureux. Ainsi est-il seulement indiqué que la frappe chirurgicale est sortie de son « champ opératoire », initialement circonscrit, pour mordre par malchance sur « les côtés » où, on se garde de le dire, vaquaient à leurs occupations d’infortunés civils sans défense.

Un passé d’inhumanité ressuscité par contraste

Ce n’est pas le reproche qu’encourt le SIVOM du canton de Monestiés. Mais la formule à la fois crue et atténuée « humanisation de la maison de retraite » a beau tourner résolument les regards vers l’avenir, elle n’en masque pas pour autant le passé qu’elle ressuscite malgré elle et stigmatise par contraste. Ce futur d’ « humanisation  » renvoie brutalement à un passé d’ « inhumanité » avouée avec laquelle on a dû traiter jusqu’ici les vieux dans cette maison de retraite. Un livre du Dr Denis Labayle, L’avenir devant nous - Enquête sur les maisons de retraite, paru en 1995 aux éditions du Seuil, a précisément décrit cette inhumanité dans nombres de maisons de retraite, qu’une génération réserve à celle qui l’a précédée, sans même se douter que c’est le même avenir qui l’attend si elle ne change pas de conduite.

La SIVOM du canton de Monestiés l’a, semble-t-il, compris. Et on ne le remerciera jamais assez d’avoir choisi, au risque de heurter, la formule « humanisation de la maison de retraite », alors que « le jargon illusionniste de la com » lui soufflait à l’évidence des mots comme « réhabilitation », « rénovation », « réfection », « restauration », qui avaient tous en commun de ne surtout rien laisser transpirer de ce qu’ont dû endurer jusqu’ici ses malheureux résidents à Monestiés. Dans un village rendu célèbre par une "Piéta" et une "Mise au tombeau" du XVe siècle réunissant autour du cadavre du Christ une dizaine de statues grandeur nature représentant ses proches affligés, on n’en attendait pas moins.


Source : www.agoravox.fr

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