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Un colloque Agrica pose les paramètres d un conflit d intérêts entre générations

Paradoxe, le colloque Agrica "Solidarités entre générations : la guerre des âges n'aura pas lieu", tenu au début de l'été, a en fait montré que le conflit était déjà installé. Mais une "solidarité forte existe au sein d'une même famille, malgré des intérêts et aspirations divergents."

 

Un colloque Agrica a réuni au début de l'été nombre de spécialistes des relations entre générations pour débattre de leur degré de solidarité. "La guerre des âges n'aura pas lieu" indiquait le titre, pastichant l'intitulé de la pièce de Giraudoux (La guerre de Troie n'aura pas lieu) qui prophétisait le conflit de 1939.
Mais, paradoxe, ce colloque réunissant notamment Bernard Préel (BIPE), Pascale Weil (Publicis consultants), Catherine Bonvalet (INED), Dominique de Legge (délégué interministériel à la Famille) montrait que conflits et solidarités coexistaient entre les générations.

Un écart entre générations creusé par le contexte

Il a surtout permis de poser de façon assez précise les zones de frictions potentielles et les paramètres de ce conflit. Dominique de Legge en dit qu'il évoque plus "un conflit d'intérêts" motivé par le fait que les actifs doivent payer de plus en plus cher pour les retraités qu'une guerre des âges.

Grosso modo, on peut affirmer, à la suite de Bernard Préel, que c'est le changement de contexte qui a induit les différences de statuts, les conflits potentiels et creusé l'écart entre générations : la société se montre de plus en plus sévère à l'égard des inactifs, qu'elle traite comme des parasites. L'autonomie et l'activisme sont valorisés face à la dépendance et à l'exclusion. Revendiquant des solidarités étendues, la société se montre en réalité de plus en plus dure aux personnes fragiles. On observera qu'en 30/40 ans, le syndicalisme salarié est souvent passé, malheureusement, de la défense de l'altruisme à celle des avantages acquis surtout lorsqu'il s'agit de régimes déjà protégés (fonction publique et régimes spéciaux). La protection des populations déjà nanties d'un statut, d'un emploi en CDI s'est accrue au détriment des cadets ou des aînés précarisés.

Chômage générationnel

L'allongement de la scolarité a eu pour corollaires, l'augmentation des effectifs d'élèves et donc d'enseignants, la démonétisation des diplômes jetés en trop grand nombre sur le marché, l'exigence croissante des entreprises n'acceptant plus de participer à la formation des personnes qu'elle recrutaient. Le discrédit a souvent été jeté sur les filières ou les métiers manuels, par comparaison avec les "filières générales" nobles mais parfois peu adaptées à des élèves insuffisamment bien orientés. Mal positionné, l'enseignement lui-même a pu favoriser un chômage générationnel.

Autre paradoxe souligné par Pascale Weil. "Les 25-35 ans n'ont pas eu de mai 68, et pourtant il y a eu une révolution silencieuse". Les baby-boomers peuvent passer pour avoir eu une éducation dure (des parents et enseignants appartenant à la "génération du devoir" mais ensuite une vie douce. Ils jouissaient de davantage d'opportunités (Les Trente glorieuses). Ils ont donc été finalement mieux préparés à la vie professionnelle que leurs cadets, leurs enfants (les fragiles homards de Dolto). Ceux-ci ont bénéficié d'une éducation douce mais sont confrontés à un contexte difficile qui les rend tributaires de l'instant et les empêche de se projeter dans le futur.

Des modes de pensée et des valeurs en opposition

Les deux générations – les baby-boomers et leurs enfants ont donc des référents, des modes de pensée et valeurs en opposition. Pourtant, "la solidarité familiale est très forte, peut-être ne l'a-t-elle jamais été autant paradoxalement, parce que la société est dure, que les repères sont difficiles à appréhender".

Il en résulte des liens familiaux denses, avec les parents, mais beaucoup plus encore avec les grands-parents. Ceux-ci sont en effet dégagés du rapport d'autorité qui lie enfants et parents et de la force symbolique du regard évaluateur de l'adulte sur l'enfant qui peut inhiber celui-ci.

Les baby-boomers avaient accompagné le développement de la société de consommation. Leurs jeunes l'ont perçue comme un acquis, leur rendant plus difficile encore l'épreuve de réalité que constitue la confrontation au "monde cruel du boulot".

Catherine Bonvalet (INED) et Florence Legros (Dauphine) souligneront donc la situation inédite actuelle. Elle est née d'une importante cohabitation des générations, finalement génératrice d'inquiétudes, elles aussi inusitée. Qui acquittera la dette publique ? Qui paiera la retraite par répartition si la précarisation du travail va croissant ?

"Voir ses vieux dans la misère et ses jeunes dans la précarité"

Pour Julien Damon (Centre d'analyse stratégique), la situation met les boomers au cœur d'un nouveau paradoxe "voir ses vieux dans la misère et ses jeunes dans la précarité".

Mais la génération pivot, actuellement aux postes de commande, va aussi devoir "choisir entre investir plus pour accompagner la retraite et la dépendance, ou miser sur un investissement social dans la jeunesse".

Celle-ci est elle-même confrontée à une question : doit-elle continuer à cotiser ? Le maintien de la retraite par répartition va amener les actifs à payer de plus en plus cher pour les inactifs. Alors, "comment établir une véritable solidarité qui permettrait de faire place aux jeunes, tout en finançant les retraites ?"
N'oublions pas que la dépendance et la santé constituent des dossiers dont le poids économique ne cessera pas de croître.

"D'ici 2050, le nombre des personnes de plus de 75 ans va tripler et de celles de 85 ans va quadrupler. Nous aurons deux générations de retraités", prophétise Catherine Bonvalet.

La question essentielle est soulevée par Mohammed Malki, directeur de l'association Accordages. Une nouvelle répartition des initiatives et des responsabilités doit être trouvée : "On ne pourra pas compter éternellement sur la puissance publique et surcharger la famille de différents problèmes ne va pas être possible d'autant que sa taille se réduit."

L'accès croissant des baby-boomers aux responsabilités a coïncidé avec l'effritement des grands réseaux de solidarité associatifs et politiques ou confessionnels (Eglise, patronages, Parti…). On ne pourra pas faire l'économie de réactiver les solidarités qu'ils manifestaient sans susciter de nouveaux réseaux d'entraide, dépassant le cocon familial. Ceci signifie repenser aussi bien le syndicalisme que le rôle des associations et la toute-puissance de l'Etat. Celui-ci, souvent, par son omniprésence tatillonne, bride le développement de l'initiative privée.


Source : www.seniorscopie.com

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